Enfant en zone de turbulences – 27 janvier 2000

Souviens-toi, ô vague amie de passage, de l’enfant en zone de turbulences,  de petite fille de ma première peinture spontanée ! Elle entrait dans un tunnel dont la forme m’évoquait  un dahlia, une fleur de mon enfance.
Un matin, assise devant elle, mes pieds bien ancrés en terre, mon cœur grand ouvert vers là-haut, en lâcher prise total, je suis entrée en plongée méditative dans sa peinture.
Sitôt, j’ai été aspirée par un fleuve énergie. Une pensée maligne a traversé mon mental : 
« Attention ! C’est peut-être un mauvais esprit qui t’aspire ! » Je l’ai laissée passer. Je me suis totalement abandonnée au courant d’Amour… La peur archaïque s’est évanouie.

 

 Voyage avec Baleine

J’entre dans le tunnel magnétique. Je reconnais ses contours. Je caresse à mains nues les parois et ressens sous mes doigts de la chair, des os. C’est une certitude, je suis dans le ventre d’une baleine !
La couleur magenta a formé au-delà de la courbe des pétales de dahlia, de la courbe du tunnel, les côtes du corps du grand mammifère. 

Baleine – 06 avril 2003

Dans ce drôle de navire, je ne m’étonne plus de la traversée chaotique.
Le roulis des vagues océanes balancent dans un sens, les respirations et digestions convulsives de Dame Baleine brimbalent dans un autre, et cela déménage durement dans l’embarcation. 
Alors, au bout d’un long moment, la forte tempête m’émotionne.
Éperdue, mon téléguidage chahuté, je sens tout basculer en moi jusqu’à ce que … je me rencontre …

Il me faut couvrir la voix du vent.
Je force la mienne afin qu’elle s’infiltre dans l’ouïe du grand cétacé.
Les mots sortent avec force et douceur : 
 » Merci grande baleine, chère gardienne des secrets de notre histoire, de nous avoir accueillies en ton antre, petite fille et moi-même. Le tumulte, la démence, le vertige de cette traversée ont fini d’exhumer ma vérité. Je comprends mon passé, je libère mes peurs, je m’ouvre au pardon. En laissant mourir une part de moi-même, pour la première fois, en cet  instant, avec amour, bras grands ouverts, j’accueille ma petite fille. Fondues l’une en l’autre nous voici une. Je lui donne mes mains, elle me donne sa créativité.

Nous-je, je suis transformée, j’ai retrouvé ma vibration, je sais le chemin qui est mien. » …

Sur le champ, dans une profonde expiration, Baleine me chasse hors d’elle…
« Tu as su te retrouver, j’ai donc fini ma tâche. Maintenant, je suis fatiguée, épuisée et je m’allège de ton poids. Tu étais mon dernier passager. Mon heure est venue, viens, suis moi jusqu’à mon ultime demeure, ensuite, va, ne te retourne pas !  »

Son doux chant, ses paroles tendresse, sont portés par le vent jusqu’à m’atteindre et, lentement, elle s’enfonce dans les eaux profondes. 
Me voici en haute mer, nous nageons encore . J’ai traversé l’Atlantique, j’atteins le Pacifique, le plus grand, le plus profond, le plus eau, le plus caresse sur le corps, dans le corps, en haut du dos, sur ma gorge. Sur la crête d’une vague je vois Dame Baleine.  Dans un creux, je la perds .

Baleineau- 2 novembre 2002

Un jeune baleineau, noir, rond, beau, amour, douceur, l’escorte.

Soudain … mon mental s’anime, sa raison supplante mon désir de poursuivre ce voyage, m’ordonne de quitter ce film de moi, ce monde irréel, hors du temps, hors de l’espace…
Quelle part de moi, sinon celle de ma petite fille libre, se manifeste en retour. Sa voix m’implore de continuer, de ne point nous priver de mon rêve éveillé, de ne pas renoncer à ce pouvoir créatif de notre imaginaire, à cette part d’innocence, de confiance, à cette part d’enfance toujours vivante en moi, alors … je dis « oui » et je rejoins vieille Baleine.

Elle avance toujours, elle souffle, elle est lasse mais encore puissante, elle fend l’eau sans se retourner.
Baleineau la guette, m’entraîne, m’attire vers notre douce amie.
Nageons-nous, marchons-nous sur l’eau, hors de l’eau ? Je ne sais, nos déplacements sont fluides. Sommes-nous eau ?
Au beau milieu du Pacifique, là où les vagues s’immobilisent, là où le ciel s’unit à la mer, là où le bleu d’en haut se fond au bleu d’en bas, vieille Baleine s’est arrêtée. Nous sommes au terme de son voyage et  l’étrange spectacle s’offre à nous …
L’ouverture du corps du grand mammifère commence.
Sans heurt, sans saccade, comme on rompt le pain, par son milieu, la chair grise, d’une couleur plus douce que celle de sa peau gris-noir, se délivre, se détache d’elle-même. Peu à peu, les deux parts du corps, la tête et la queue désunies, dans un même mouvement de lente pénétration, s’immergent.
Un grand silence-mystère, léger, libérateur, accompagne toute la scène.
Dans le cimetière des baleines, le ballet de la mort, gris en bleu, bleu sur gris, s’achève et sans bruit, l’eau referme d’une caresse la sépulture de Dame Baleine.

Une pure paix, une onde d’Amour nous enveloppent baleineau et moi. Nous nous enlaçons.
Sur ces grandes eaux, étrangement, si baleineau est de chair, je ne suis plus corps. Je suis flamme vibratoire.
J’enceins baleineau de mon énergie, ses ailerons s’enroulent autour de moi-vibration.
Tendresse d’une danse fusionnelle ! Jouissance d’un pas de deux sur les eaux du Pacifique !
Dans cette folie, pas folie, dans ce bonheur, dans ce flot d’amour, cette union de deux êtres, ma gorge s’est rechargée de liberté.


Je vois l’eau, je deviens l’eau,

je vois le feu, je suis le feu.
Danse du feu avec l’eau,
danse de l’eau avec le feu.

Comment nous sommes-nous quittés ? 
Nous sommes-nous quittés ?

Dans la profondeur des eaux marines, Dame Baleine repose.
Moi, délivrée d’elle, Moi par elle, réunie dans mes âges, j’ai ranimé ma joie de vivre, à la suivre dans son fabuleux voyage et au cœur du Pacifique, Baleineau m’a appris un nouveau pas de danse.